Lorsque j’entends le mot Afrique, les mots désert et savane résonnent à mes oreilles. Étonnamment, en plus de sa savane riche en vie animale, l’Afrique du Sud comporte des régions que l’on pourrait facilement confondre avec différents décors de vignobles européens. Tout en verdure et en vins délicieux (et pas chers!), celles-ci m’ont complètement ébahie. Malheureusement, dans ce pays doté d’autant de beautés, jusqu’à tout récemment, les blancs infligeaient des atrocités aux gens à la peau noire. Malgré les changements effectués au niveau légal, cette autre forme de diversité n’offre toujours pas à ce jour une mixité équitable.
Les retrouvailles
Ce séjour en Afrique du Sud s’est déroulé juste après mes six semaines de bénévolat au Togo, en Afrique de l’Ouest. Toujours avec mon copain, mais cette fois également avec ma maman, le papa de mon compagnon et son petit (mais très grand) frère de treize ans, nous avons parcouru ce magnifique et très enrichissant pays, durant trois semaines, soit pendant la période des Fêtes. Nous n’aurions jamais pu rêver d’un plus beau cadeau que d’être ainsi réunis après tout ce temps séparés par un océan. Disons aussi qu’il y avait de l’émotion dans l’air, et de l’eau dans nos yeux, lorsque nous avons tous couru l’un vers l’autre avant de se sauter dans les bras à l’aéroport. Tous les deux, nous nous remettions tout juste d’une escale de vingt-trois heures à dormir sur le sol dans le bureau d’un agent de sécurité de l’aéroport du Nigéria, faute de moyens pour se payer la loge à touristes et avoir un lit décent, en plus d’avoir les mains vides, nos bagages étant restés coincés au Rwanda, lieu de notre seconde escale (où l’un de nos instruments de musique togolais a été soupçonné d’être une arme dangereuse). Nous étions enfin avec notre famille, alors tout ça, on s’en balançait complètement. (En plus, on venait de survivre à trois vols avec deux compagnies aériennes TRÈS douteuses, faute de moyens encore une fois, fallait célébrer ça aussi!)
La diversité des paysages
Au programme dans les jours suivants, nous avions plusieurs safaris. Dès l’aube et à la tombée de la nuit, alors que l’air était plus frais, nous embarquions dans le gros 4×4 non-grillagé et partions à l’aventure à travers les prédateurs les plus dangereux de la planète. Nous n’étions pas dans un zoo, mais dans leur habitat naturel. Je le cite parce que j’ai encore du mal à y croire. Dès le premier soir, nous sommes arrivés nez à nez avec des lionnes. Elles étaient couchées dans l’herbe tel un chat s’étendrait paresseusement sur un canapé. Seule nuance ici: elle pouvait bondir nous manger si l’on s’excitait un peu trop. Quelques jours plus tard, alors qu’il faisait nuit, deux lionnes encore, mais cette fois traversant la route juste devant nous, accroupies, prêtes à bondir sur la gazelle se trouvant à notre droite. Puis, un beau matin, nous avons pu observé un petit oiseau posé tout bonnement entre les deux cornes d’une gigantesque girafe préoccupée à mâcher des feuilles. Les girafes de la savane n’avaient rien à voir avec mon souvenir d’elles au Parc Safari. Je ne sais pas si c’est dû au fait que nous nous sommes approchés très près d’elles, mais chacune me paraissait plus géante que la précédente. Au cours de ces safaris, j’ai également réalisé l’un de mes rêves, soit celui de voir des rhinocéros. Ces grosses bêtes sont sans équivoque les descendantes directes des dinosaures. J’avais l’impression d’avoir été transportée à une autre époque tellement le troupeau se trouvant devant moi me paraissait irréel. Finalement, un bel après-midi, nous avons eu la chance d’observer un éléphanteau. Il était né la veille. Nous en avions la preuve parce que lors de notre safari le jour précédent, nous avions vu le placenta tout frais au sol. Au milieu de sa famille nombreuse de géants, le bébé avançait, encore fragile et hésitant. J’avais tellement envie de me lever pour me coucher en petite boule contre lui et le flatter (n’importe quelle fille dirait la même chose!). Le hic: nous étions apparemment déjà assez près d’eux. D’un coup, les plus costauds du troupeau se sont tournés vers nous, leurs défenses pointant le 4×4, prêtes à le renverser. Ils avançaient vers nous en faisant vibrer le sol. Calme, notre chauffeur a reculé et nous a expliqué qu’il fallait simplement respecter la zone de confort de l’animal, ce que nous avons fait et qui a fonctionné. Même dans la savane, tout est une question de respect. Je trouvais la leçon belle à retenir, enseignée par une bande d’éléphants, en boni. Il y a aussi cette fameuse anectode, se déroulant alors que nous mangions tranquillement dans un petit resto. Dans le stationnement, se dirigeant vers les poubelles, tel un raton-laveur si la scène s’était produite chez nous, rien de moins qu’un hippopotame. Cette immense boule qu’on peut confondre à une roche lorsqu’il laisse griller le dessus de son dos à l’extérieur de l’eau. On le confond aussi à une grosse boule inoffensive… suffit d’aller voir sur Google la taille que prend sa mâchoire ouverte alors qu’il expose ses longues dents afin de comprendre pourquoi il est le prédateur le plus meurtrier d’Afrique.
Dans le même pays, mais dans un décor beaucoup moins aride que celui de la savane, nous nous sommes rendus dans l’un des fameux vignobles sud-africains. Personnellement, plusieurs de mes vins préférés proviennent à peu près tous de cette région, alors j’étais à l’apogée du bonheur. Nous avons pris part à une dégustation, au milieu d’un décor féérique aménagé avec soin. Nous devions goûter une viande ou un fromage, sentir, boire, etc. pour faire ressortir les arômes et saveurs de chaque vin. J’ai adoré. Ce que j’ai trouvé très bien, aussi, c’était la dégustation adaptée à notre compagnon de treize ans. Lui, il goûtait les vins avec différents chocolats épicés. Rien de mieux pour les lui faire apprécier.
Çà et là sur notre route, d’immenses plages sauvages de sable blanc comme neige enjolivaient le paysage déjà sublime. Puisque la plupart de ces plages donnent sur l’océan Atlantique, elles étaient presque toutes désertes, l’eau étant trop froide. En tant que Canadiens, ce n’est pas le froid qui nous effraie. Au contraire, nous étions tous en sueurs. Nous avons plongé à travers les vagues, sous les cris des oiseaux. Nous avons glissé sur les dunes de sable et joué au bacon en lisant des livres. Je vis, littéralement, pour ces paradis isolés.
Tous ces paysages, bien que très différents et difficiles à s’imaginer tous à travers un même pays, se côtoyaient à merveille, et contribuaient tous, à leur façon, à notre émerveillement. La diversité de couleurs de peau, elle, ne m’a pas procuré le même sentiment.
La diversité: blancs versus noirs
Pour commencer, à notre arrivée à Johannesburg, nous avons visité le musée de l’apartheid, que je suggère d’ailleurs à tous. Il est moderne et trés interactif. La souffrance des noirs causée par le racisme pervers des blancs nous est communiquée de multiples façons, nous plongeant dans leur peau le temps d’un instant, ou presque. Dans le musée, on voit les images des médias montrant, en couleurs, les noirs s’armer de bouts de bois et de cailloux contre les blancs, armés jusqu’aux dents, qui tirent à l’aveugle. Je ne veux pas faire de ce texte un cours d’histoire abrégé, mais j’espère donner envie d’aller s’informer (puisque c’est si facile avec Internet) sur le sujet. Ça change les perceptions et ça nous fait réaliser à quel point tout est fragile, rien n’est acquis. Parce que cette histoire est beaucoup trop jeune.
Durant notre séjour à Johannesbourg, nous avons vu des bidonvilles à perte de vue, composés de maisons de fortune, nouvellement équipés de quelques toilettes, parfois, et habités par des noirs, toujours. Nous avons habité dans de jolies maisons, entourés de blancs, seulement. Dans ces beaux quartiers, au milieu des boutiques Louis Vuitton, Chanel et Prada, des noirs ramassent le recyclage, sur des chariots improvisés. Ils parcourent la ville et vont porter leur cueillette au centre de tri où on leur donnera un peu d’argent, en échange. Dans les hôtels où nous avons dormi, des noirs y travaillaient. Quand nous nous arrêtions s’acheter quelques grignotines pour la route, parfois, nous nous arrêtions dans des quartiers habités par des noirs. À tout coup, les jolis trottoirs bordés de fleurs laissaient place à un accotement de sable, les maisons spacieuses, aux petites bâtisses et leur toit de tôle. L’inégalité, elle se ressentait et se voyait. Nous nous faisions regarder, mais gentiment, comme le font dignement tous les Africains noirs que nous avons croisés. S’ils nous avaient fait subir ce qu’ils ont vécu, je mettrais ma main au feu qu’on ne ferait pas preuve de la même politesse. Le message de Mandela, lui-même emprisonné par les blancs pendant 27 ans pour avoir défendu les siens à voix haute, était d’ailleurs de pardonner. Dans ses propres mots: « Forgiveness liberates the soul. It removes the fear. That is why it is such a powerful weapon ». Si les noirs n’avaient pas pardonné aux blancs, l’Afrique du Sud serait fort probablement en guerre civile, encore aujourd’hui.
Respect au peuple noir d’Afrique du Sud qui a pardonné malgré la souffrance. Tel Mandela dirait, savoir pardonner est la plus grande force dont un être humain puisse faire preuve.
Lors de notre voyage en terre sud-africaine, nous avons eu la chance de faire quelques rencontres intéressantes, et bouleversantes. L’une de ces rencontres, c’est mon beau-père qui l’ait faite. Il a eu l’audace d’aborder le sujet de l’apartheid auprès d’un homme blanc. Son récit.
« Nous nous retrouvons dans la piscine avec une jeune famille, blanche évidemment, car nous sommes dans un hôtel assez luxueux. Le père joue dans l’eau avec son fils, sous le regard attendri de sa femme et sa fille. Nous échangeons quelques sourires et phrases en guise de politesse tout en tentant, en vain, d’éviter les éclaboussures des plongeons du jeune garçon. La mère est originaire de Toronto, alors que le père, dans la quarantaine avancée, est Sud-Africain. J’aborde avec une légère hésitation la question de l’apartheid: comment avez-vous vécu et surtout grandi pendant cet événement historique? Je fais attention pour ne pas qualifier l’événement et faire état de mon indignation. L’homme me répond sans hésitation: la transition s’est faite beaucoup trop vite et on subit encore les inconvénients économiques de leur prise en charge de la politique du pays. La réponse qui me vient immédiatement est: j’espère que vous réalisez que la richesse économique ne se compare en rien à la richissime valeur de la liberté! Cette pensée m’est venue à l’esprit, mais, malheureusement, je suis resté sans voix. »
Il faut plusieurs générations pour changer des mentalités. Faisons notre part maintenant.
J`avais gardé ton dernier reportage en réserve, comme un dessert qu`on garde pour la fin… Merci d`avoir partagé tes descriptions si vivantes des safaris, de même que tes réflexions sur la vie en Afrique du Sud. A la prochaine. Rita
J’aimeJ’aime